I – 40 j’
j’aimais bien sortir j’aime assez faire ça quand il me regarde j’aime bien j’aime pas l’hiver j’aimerais assez qu’on me dise qui est le père j’aimerais avoir su plus tôt à quel point je me sentirais mal devant son cadavre j’aimerais bien j’aimerais ne pas sentir le début d’érection qui pointe sous ma ceinture j’aimerais pouvoir pleurer encore j’aimerais que mon institutrice du primaire soit avec moi j’aimerais sortir de mon corps pour pouvoir lui botter le cul j’aimerais surtout qu’il accélère j’ajoute juste j’ajuste le casque sur mes oreilles et recherche les quelques endroits qui m’intéressent j’ajuste le sac sur mon épaule et lui réponds j’allais à la fabrique avec lui j’allonge le pas j’allume j’allume la lampe torche dont je me suis muni j’allume la lumière et me dirige vers notre chambre j’allume la télévision et mets le son suffisamment bas pour ne pas déranger les voisins mais suffisamment fort pour qu’on puisse supposer ma présence en passant dans le couloir j’allume une cigarette j’aperçois la voiture qui descend du trottoir j’aperçois ma mère qui contourne la maison j’approche de l’endroit où j’ai laissé Germaine j’appuie le canon un peu plus fort contre sa tempe j’appuie ma chaussure sur son visage j’appuie sur ce dernier et la grille s’ouvre tout doucement j’arrive au centre ville j’arrive donc de côté par rapport à la maison j’arrive tout de même à bouger j’aspire au plus grand calme j’attends j’attends j’attends d’être un peu plus loin j’attends quelques minutes avant d’en faire autant j’attrape ma compagne j’attrape mes affaires dans le noir j’attrape mon blouson au cintre j’attrape ses hanches et la fait rouler sur le dos j’aurai tellement froid qu’on pourra m’amputer des pieds sans que je ressente la moindre douleur j’aurais peut-être dû rester dans la grande rue j’aurais aimé venir ici avec Françoise j’aurais dû j’aurais dû le faire cinq minutes plus tôt j’aurais dû lui dire dès le premier jour j’aurais dû y penser bien avant j’aurais juste récolté du sursis j’aurais préféré dormir nu sans couverture plutôt que de faire ça j’aurais pu la haïr j’aurais voulu la rejoindre et glisser ma paume juste derrière cette frontière j’avais des espèces de crise d’anxiété j’avais dû écouter leurs salades pendant un bon quart d’heure j’avais fini par assez bien la connaître et donc j’avais l’impression qu’on m’avait roué de coups avec une barre de fer mais la tête tenait bon j’avais une cousine avec qui on jouait à la poupée sans arrêt j’avais une moto j’avale mon café en silence j’avale une gorgée de bière avant de lui répondre j’avale une grande gorgée de bière avant de continuer :Je crois que j’étais un môme chiant j’avance j’avance d’un pas assuré j’avance dans la nuit j’avance en me demandant pourquoi Bébert les a traînées plus loin que l’endroit où j’avais laissé Germaine j’avance en traînant les pieds au milieu des copeaux j’avance encore de quelques mètres et m’arrête juste devant j’avance jusqu’à la fenêtre j’avance lentement j’avance sans la perdre de vue j’avance sous le couvert des arbres j’avance vers un brasero où se consument des pieds de chaises et jette le portefeuille au milieu j’éclate d’un rire faux j’éclate de rire j’effectue un pas de côté et elle fait de même j’élève la main gauche et exhibe le majeur tendu alors que les autres sont repliés j’emmène le plateau j’empoigne l’ensemble j’emprunte le tapis rouge retenu par les barres de laiton j’emprunte le trottoir pour approcher j’en ai eu pour quinze francs j’en ai la chair de poule j’en ai pour à peine une demi-heure j’en ai rapidement éprouvé de l’affection pour Germaine j’en ai voulu comme personne j’en ajoute une autre pour me tenir chaud j’en arriverais presque à le remercier pour ça j’en arriverais presque à loucher j’en choisis un très gros j’en descends la moitié pratiquement sans respirer j’en ferais bien autant j’en mangerai un bout j’en peux plus j’en prends une et retourne vers le cadavre j’en profitais pour regarder la vendeuse de chaussures en train de refaire son étalage de vitrine j’en profite pour lancer un sourire à Françoise j’en profite pour récupérer mon couteau j’en reste bouche bée j’en reste comme paralysé j’en revois tellement j’en sais rien j’en sais trop rien j’en saisis une et la fait tourner entre mes doigts j’en suis pas encore à ce point j’en veux pas de ce môme
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